|
Thérapie topique du psoriasis
L. Guenther, MD, FRCPC
University of Western Ontario, London, Ontario, Canada
Le psoriasis
Le psoriasis (psoriasis vulgaris) est une maladie auto-immune avec des liaisons
génétiques (par exemple : HLA-CW6). Environ un tiers des patients ont un parent
qui souffre du psoriasis. L’activation des lymphocytes T et des cytokines TH1
entraîne une prolifération excessive des cellules, un défaut de différentiation épidermique
et une réaction inflammatoire.
Impact sur la personne atteinte
Le psoriasis a un impact considérable sur la qualité de vie.
- Dans une étude qui faisait une comparaison entre plusieurs maladies, seule
la dépression avait un impact mental plus grand et l’insuffisance cardiaque
congestive un impact physique plus important que le psoriasis. [Rapp SR, et
al. J Am Acad Dermatol 41:401-7 (1999).]
- Un sondage mené en 2003 par la Psoriasis Society of Canada (n=1,108) a rapporté
un impact considérable sur le travail, les études et les loisirs chez 81 %
des personnes atteintes
- Un sondage réalisé en 1998 par la US National Psoriasis Foundation auprès de
17 488 de ses membres a relevé que 40 % des victimes avaient de la difficulté
à se faire servir dans certains établissements comme les salons de coiffure, les
piscines et les clubs de santé alors que > 50% s’étaient fait dire, à tort, que
leur maladie était contagieuse. [Krueger G, et al. Arch Dermatol 137:280-4
(2001).] Dans le groupe d’âge des 18 à 34 ans :
- 81% se sentaient gênés
- 75% se trouvaient laids
- 54% souffraient de dépression
- 10% avaient pensé au suicide.
Haut de la page
Caractéristiques
- Plaques rouges, squameuses qui souvent démangent énormément et peuvent saigner quand on les gratte.
- Les coudes, les genoux, la région sacrée et le cuir chevelu sont fréquemment touchés même si n’importe quelle partie du corps peut être atteinte, les paumes des mains et la plante des pieds incluses.
- Le psoriasis peut être très étendu.
- C’est une maladie chronique avec période de rémission.
- Les modifications concomitantes des ongles sont courantes : aspect en dé à coudre, onycholyse, décoloration en tache d’huile, hyperkératose subunguéale, épaississement du plateau unguéal.
- Il y a risque de rhumatisme psoriasique chez environ 30 % des patients.
Haut de la page
Traitement
Le traitement est déterminé par :
- l’étendue de la maladie;
- les régions du corps touchées;
- la réponse aux traitements antérieurs;
- les autres problèmes médicaux du patient;
- les médicaments concomitants;
- la proximité des ressources médicales;
- les préférences du patient.
Le traitement le plus largement utilisé et habituellement en premier est la thérapie topique, particulièrement chez les patients
qui font du psoriasis sur moins de 10 % du corps. Pour les patients à la maladie plus étendue, on l’utilise souvent comme
thérapie d’appoint sur les plaques réfractaires, sur celles qui sont dans des zones visibles et sur les lésions prurigineuses.
Pour un psoriasis étendu ou réfractaire, on utilise la photothérapie et les traitements systémiques traditionnels (par exemple :
méthotrexate, cyclosporine, acitrétine (Soriatane®) et les agents biologiques (par exemple : alefacept (Amevive®), éfalizumab
(Raptiva®), étanercept (Enbrel®).
Haut de la page
Soins généraux de la peau
- Éviter les traumatismes cutanés (égratignures), ceux-ci pouvant produire un psoriasis dans les endroits blessés, par exemple le phénomène de Koebner.
- Se laver avec un nettoyant doux et de l’eau tiède.
- Les hydratants minimisent la desquamation, les fissures douloureuses et les démangeaisons. Il faut les appliquer immédiatement après le bain. L’application des hydratants doit se faire dans le sens des poils du patient pour éviter les risques de folliculite.
Haut de la page
**Éviter les médicaments aggravants**
Chez certains patients, les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’ECA, les antipaludéens, les médicaments non-stéroïdiens et
non-inflammatoires, et le lithium peuvent aggraver la maladie et la rendre plus réfractaire au traitement. Il faut parfois un an
de traitement avant que les effets aggravants du traitement ne surgissent.
Haut de la page
Les traitements en vente libre
- L’acide salicylique est un kératolytique qui augmente la pénétration des corticostéroïdes topiques. Il diminue les squames qui peuvent être particulièrement épaisses sur les paumes des mains, la plante des pieds et le cuir chevelu.
- L’urée peut aussi diminuer les squames sur les paumes des mains et la plante des pieds.
- Les huiles de bain, les crèmes, les lotions et les pommades à base de goudron peuvent soulager les démangeaisons et améliorer l’aspect des plaques.
- On les applique une à deux fois par jour.
- Leur usage est limité par leur odeur, leur tendance à tacher les vêtements, à irriter la peau et à causer une folliculite.
- Une crème à base d’hydrocortisone peut être utile pour le psoriasis du visage et des plis, mais pour le reste du corps, il faut habituellement un corticostéroïde topique plus fort.
- Relieva®, un extrait d’aquifolium Mahonia, est anti-inflammatoire et il réduit la prolifération excessive des kératinocytes. Des essais cliniques ont démontré une amélioration statistiquement significative dans les signes et symptômes du psoriasis léger à modéré.
- Un bandage liquide aide à « sceller » les fissures permettant une diminution de la douleur et une guérison plus rapide.
- Les shampoings à base de goudron, d’acide salicylique, de pyrithione de zinc, de kétoconazole et de nombreux shampoings antipelliculaires peuvent aider à réduire les squames du cuir chevelu.
- Les antihistaminiques oraux sont utiles pour les démangeaisons : le jour, prescrire ceux qui ne créent pas de sédation et réserver pour la nuit les antihistaminiques sédatifs.
Haut de la page
Les agents topiques de prescription
Il faudrait éviter de mélanger les produits puisque la stabilité du composé qui en résulte est inconnue. Par contre, les
produits d’association médicamenteuse fixe manufacturés commercialement ont été testés pour leur stabilité. Certains
produits préfèrent une base acide (par exemple : les stéroïdes topiques), d’autres (par exemple : la calcipotriol) préfèrent
une base alcaline. Le mélange d’un stéroïde commercialement disponible comme le dipropionate de bétaméthasone
(Diprosone®) avec le calcipotriol (Dovonex®) entraîne une dégradation rapide de leurs deux ingrédients actifs. Par contre Dovobet
®, un produit commercialement disponible contenant les deux ingrédients, a un excipient dans lequel les deux produits sont
stables.
Haut de la page
Les corticostéroïdes topiques
- C’est le traitement le plus fréquemment prescrit.
- Ils sont disponibles en diverses forces : faible, moyenne, forte et extra-forte.
- Utiliser le stéroïde de la force la plus faible possible pour contrôler la maladie, particulièrement au niveau du visage et dans les plis.
- Sur les paumes des mains et la plante des pieds, il faut en général les stéroïdes les plus forts.
- On utilise lotions et gels pour le cuir chevelu.
- Crèmes et pommades sont utilisées pour les autres régions du corps.
- Les pommades sont souvent plus fortes que les crèmes.
- Les stéroïdes sont sans danger à court terme ou lors d’utilisation intermittente sur le long terme.
- Une application par jour est souvent aussi efficace que deux par jour.
- Un usage de 2 à 3 fois par semaine peut maintenir une rémission.
- Parmi les effets indésirables, on note :
- l’atrophie
- les vergetures (particulièrement dans les zones intertrigineuses)
- les télangiectasies
- la rosacée
- une dermite périorale
- le glaucome
- les cataractes
- une dermite de contact allergique (au stéroïde lui-même aussi bien qu’à l’excipient et aux produits de conservation)
- la tachyphylaxie (perte de l’efficacité lors d’un usage continu)
- un rebond après l’interruption du traitement
- la suppression surrénalienne (ne pas utiliser > 50 mg de stéroïdes ultra-forts par semaine).
Haut de la page
Calcipotriol topique (Dovonex®)
- Utiliser pour faire céder le psoriasis (2 fois par jour) et maintenir une rémission à long terme (1 à 2 fois par jour).
- Il agit moins rapidement que les stéroïdes topiques mais il n’y a pas de rebond.
- Utiliser 100 g par semaine au maximum pour minimiser les risques d’hypercalcémie.
- La crème ou la pommade sont pour le tronc et les membres.
- La lotion est pour le cuir chevelu.
- Il est couramment utilisé en association avec un stéroïde moyennement fort ou extra-fort (schéma de posologie matin et soir).
- La calcipotriol pendant les jours de la semaine et un corticostéroïde topique extra-fort (par exemple : Ultravate®) durant les deux jours du week-end, peuvent maintenir la rémission.
- Il agit en synergie avec :
- les corticostéroïdes topiques
- la photothérapie [rayons ultraviolets B-UVB, psoralène + UVA-PUVA]
- le méthotrexate
- la cyclosporine
- l’acitrétine.
- Les effets indésirables sont :
Haut de la page
Calcipotriol et du dipropionate de bétaméthasone topique (Dovobet®)
- Contient du calcipotriol et du dipropionate de bétaméthasone dans les mêmes concentrations que le Dovonex®‚ et le Diprosone® respectivement.
- À appliquer une fois par jour.
- Plus efficace et d’une plus grande rapidité d’action que l’une ou l’autre de ses substances employée seule.
- Après 4 semaines de traitement, environ 50 % des patients ont une amélioration complète ou presque.
- Mêmes effets indésirables cutanés que pour le diproprionate de bétaméthasone; environ la moitié moins d’effets indésirables que pour le calcipotriol.
- Après un traitement au Dovobet®, pour maintenir la rémission, on peut utiliser une monothérapie au calcipotriol ou une combinaison de calcipotriol utilisé les jours de semaine et de Dovobet®‚ durant les deux jours du week-end.
Haut de la page
Tazatorène topique (Tazorac®)
- Rétinoïde sélectif
- Habituellement utilisé une fois par jour avec un stéroïde moyennement ou extra-fort une fois par jour
- L’amélioration peut être maintenue avec du tazatorène les lundis, mardis, mercredis et du clobétasol en pommade les jeudis et vendredis.
- Il agit en synergie avec :
- les corticostéroïdes topiques
- le calcipotriol
- la photothérapie (UVB, PUVA).
- Contre-indiqué pendant la grossesse
- Les rétinoïdes topiques amincissent la couche cornée, ce qui peut permettre une plus grande pénétration de la radiation ultraviolette dans la peau et produire un seuil de résistance plus faible au coup de soleil.
- L’irritation de la peau limite son usage.
Haut de la page
Inhibiteurs de la calcineurine topiques
- Le pimécrolimus topique (en crème 1 % Elidel‚) et le tacrolimus (en pommade 0,03 % et 0,1 % Protopic®) sont efficaces dans le psoriasis du visage et intertrigineux.
- À appliquer deux fois par jour.
- Ne provoquent pas d’atrophie.
- Peuvent causer une sensation de brûlure ou de picotement, surtout au cours des premières semaines du traitement et quand le patient s’expose à la chaleur.
- Il faut une protection solaire à cause du risque théorique du cancer de la peau. Cependant aucune étude n’a démontré que les inhibiteurs de la calcineurine provoquent une photosensibilité.
- En avril 2005, Santé Canada a émis pour les dispensateurs de soins et les patients une recommandation en matière de sécurité d’utilisation de ces médicaments, basée sur des études d’animaux qui en avaient reçu de très fortes doses et qui indiquaient un risque de cancer potentiel.
- Ces médicaments sont indiqués pour les patients de 2 ans et plus qui ne sont pas immunodéprimés.
Haut de la page
D'autres articles:
|