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Mise à jour de la gestion des kératoses actiniques

I. Shoimer, BSc; N. Rosen, MD; C. Muhn, MD
Département de dermatologie, Université McMaster, Hamilton, Ontario, Canada

Introduction

Les kératoses actiniques (KA) ou kératoses solaires sont des lésions de la peau précancéreuses qui apparaissent principalement sur les parties du corps exposées au soleil. Elles sont l’une des plus courantes affections de la peau observées par les dermatologues, n’étant dépassées que par l’acné vulgaire et la dermatite1. Les kératoses actiniques sont des lésions cliniquement pertinentes car elles ont le potentiel d’évoluer vers un épithélioma à cellules squameuses (ESC)2. De plus, elles constituent un facteur de risque pour le développement ultérieur d’un mélanome ou des autres cancers de la peau. Il existe de nombreux traitements pour traiter les kératoses actiniques et ils comprennent les options que l’on catégorise d’une façon générale parmi les thérapies de destruction locale, de champ topiques et de champ procédurales. L’introduction récente de l’imiquimod 3,75 % approuvé pour le traitement des kératoses actiniques sur le visage et le cuir chevelu, élargit l’arsenal thérapeutique.

Prévalence et facteurs de risque

  • Dans l’hémisphère nord, on estime qu’entre 11 à 25 % des adultes ont au moins une kératose actinique3.
  • Ces lésions se voient le plus souvent chez la population plus âgée à la peau claire ou chez les individus aux phototypes I-III de la classification de Fitzpatrick.
  • Les facteurs de risque les plus importants sont une exposition cumulative aux rayons ultraviolets et l’âge.
  • Les individus dont le système immunitaire est affaibli ou ceux qui ont certains syndromes génétiques comme, par exemple, le xeroderma pigmentosum et l’albinisme sont à risque plus élevé.

Pathogenèse

  • Les rayons UV sont impliqués dans la pathogenèse des kératoses actiniques car ils provoquent des mutations dans l’ADN cellulaire de la peau ce qui peut affecter les gènes de la prolifération cellulaire (par exemple, p53 et ras) ou un évitement de l’apoptose2.
  • La perturbation d’un de ces gènes peut conduire à la formation de kératinocytes atypiques dans la couche basale et le développement d’une kératose actinique. Tous ces changements histopathologiques se limitent à l’épiderme.
  • Une absence d’exposition supplémentaire aux rayons UV peut entraîner une résolution grâce à des mécanismes de réparation inhérents. Par contre, des expositions additionnelles peuvent causer d’autres mutations qui déboucheront sur le développement d’un épithéliome épidermoïde invasif.

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Caractéristiques diagnostiques

  • Les kératoses actiniques se présentent de façon typique comme des petites (1 à 3 mm) papules érythémateuses et squameuses avec une texture hyperkératotique.
  • On les identifie mieux par la palpation que par l’examen visuel seulement.
  • Les kératoses actiniques se retrouvent de façon typique sur les parties du corps exposées au soleil, sur le visage, le cuir chevelu chauve, les oreilles, le cou, la poitrine, le dos des avant-bras et des mains. Les parties environnantes peuvent révéler une élastose solaire (par exemple, télangiectasie, hyperpigmentation couperosée et décoloration jaune de la peau)4.
  • Les variantes cliniques de la kératose actinique incluent la corne cutanée, la kératose du genre lichen plan, la kératose actinique pigmentée et la chéilite actinique4, 5.
  • L’évolution naturelle des kératoses actiniques est variable et imprévisible. Une lésion peut soit persister, soit régresser ou encore se transformer en un carcinome invasif.
    • Il est impossible de prédire laquelle de ces trois directions la kératose actinique va prendre.
    • Le risque pour une seule lésion de se transformer de kératose actinique en épithélioma à cellules squameuses varie de 0,025 à 16 % par année6.
  • Ces lésions peuvent progresser sur plusieurs années et devenir plus épaisses pour se transformer en une kératose hypertrophique, la maladie de Bowen (ESC in situ) ou un ESC invasif.
    • Les étapes de ce continuum biologique sont cliniquement imperceptibles et c’est pourquoi il faut faire une biopsie si l’on soupçonne un épithéliome épidermoïde
    • Un tableau clinique qui présente douleur, prurit, durcissement, agrandissement, croissance rapide, ulcération, saignement ou résistance au traitement, peut indiquer une pathologie plus dangereuse (par exemple, un ESC)4, 5.

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Survol du traitement

Il est conseillé de traiter toutes les kératoses actiniques car il est parfois difficile de distinguer une KA d’un ESC. Passer à côté d’un diagnostic d’épithéliome épidermoïde, c’est permettre qu’il devienne localement invasif et destructeur. Ces lésions peuvent entraîner des métastases et même la mort. Les choix thérapeutiques sont guidés par l’efficacité, les effets indésirables, les résultats cosmétiques et l’observance du patient.

Thérapie de destruction locale

Les thérapies les plus courantes pour les kératoses actiniques individuelles agissent pour les détruire en éliminant physiquement la lésion. Ces modalités doivent être les traitements de choix pour des lésions de kératoses actiniques isolées ou précoces. Les thérapies de destruction locale comprennent la cryothérapie avec azote liquide, le curetage avec ou sans électrodessiccation et l’excision par rasage. Les principaux avantages de ces procédés sont leur rapidité, leur simplicité et leur efficacité, les tissus anormaux subissant une élimination adéquate.

Cryothérapie

La cryothérapie est la technique la plus fréquemment utilisée et l’azote liquide est le cryogène le plus couramment appliqué. Au cours d’une cryothérapie appliquée sur la région affectée, la peau développe des températures qui détruisent les cellules atypiques des kératoses actiniques7.

  • Cette technique est idéale si les lésions sont dispersées, peu nombreuses ou pour un patient qui n’observe pas les régimes topiques7.
  • Les taux de guérison rapportés varient de 39 à 83 %8.
  • Les traitements sont généralement bien supportés et n’exigent pas d’anesthésie locale, mais le procédé peut être douloureux et produire une hypopigmentation permanente.
  • Parmi les effets indésirables remarqués, nous retrouvons cloques, cicatrices, changements au niveau de la texture de la peau, infections et hyperpigmentation.

Curetage et excision par rasage

Dans le curetage, on utilise une curette pour enlever mécaniquement les cellules atypiques. Une excision par rasage à l’aide d’une lame chirurgicale constitue une autre technique chirurgicale. Elles peuvent être suivies d’une éléctrocautérisation qui détruira des couches additionnelles de cellules atypiques tout en permettant un effet hémostatique.

  • Ces techniques sont les plus adaptées au traitement des kératoses actiniques individuelles, aux cas où il est nécessaire de faire une biopsie pour écarter la possibilité d’un carcinome, ou pour les kératoses actiniques hypertrophiques réfractaires à d’autres traitements.
  • Parmi les effets indésirables possibles, il y a l’infection, des cicatrices et une dyschromie et ainsi que des effets indésirables liés à l’anesthésie.

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Thérapie champ topique

Les médecins reçoivent souvent des patients qui sont couverts de kératoses actiniques, un scénario clinique décrit maintenant comme un champ de cancérisation qui comprend à la fois les lésions cliniques et subcliniques dans une région anatomique donnée9. Pour ces patients, il est nécessaire d’avoir une approche thérapeutique différente connue sous le nom de thérapie champ afin d’éliminer les kératoses actiniques cliniquement visibles et celles qui sont invisibles à l’intérieur de la région traitée.

5-fluorouracile (5-FU)

L’antimétabolite 5-FU a été le premier agent approuvé pour la thérapie champ topique. Il a été découvert fortuitement alors que les patients qui recevaient du 5-FU, un agent anticancéreux, voyaient leurs kératoses actiniques s’enflammer puis disparaître. Il devait finalement être mis au point sous forme de formulation topique efficace. Il agit par inhibition de l’enzyme thymidylate synthase qui bloque une réaction de méthylation qui à son tour gêne la synthèse de l’ADN et de l’ARN et arrête efficacement la croissance des cellules qui se divisent le plus rapidement ou qui sont cancéreuses10. Ainsi, le 5-fluorouracile prend pour cible, de préférence, les cellules atypiques plutôt que le tissu cutané normal.

  • Le taux de guérison moyen est de 62,5 %11, mais pour des résultats optimaux, l’observance du patient doit être totale. L’administration de doses recommandée est deux fois par jour pendant trois semaines.
  • L’observation démontre qu’un traitement simultané avec de la trétinoïne topique augmente l’efficacité du 5-FU12.
  • Souvent les patients traités avec succès au 5-FU ont un érythème, de l’inflammation et des érosions.
  • Les effets indésirables courants sont la douleur, le prurit, la photosensibilité et une brûlure au point d’application.
  • Le 5-FU peut aggraver des conditions cutanées préexistantes comme les mélasmes ou l’acné rosacée, et ainsi son usage devrait être évité chez ces patients7.

Diclofenac

Le gel de diclofenac à 3 % est un anti-inflammatoire non stéroïdien dont les effets s’exercent, croit-on, à travers l’inhibition de la cyclo-oxygénase (COX) et plus particulièrement la COX-2. On pense que la production de prostaglandines affaiblit le système immunitaire ce qui permet la formation des tumeurs13. Sans COX, la production des prostaglandines est réduite et la cascade est rompue13.

  • Malgré un régime de traitement plus rigoureux (deux fois par jour pendant 90 jours), on ne remarque que des réactions cutanées locales légères à modérées.
  • Bien que rares, des rapports d’hépatotoxicité due à l’action du médicament ont fait surface et par conséquent, les transaminases devraient être mesurées périodiquement chez les patients qui suivent une thérapie à long terme.

Imiquimod

La crème topique d’imiquimod à 5 %, à l’origine, était indiquée pour le traitement des verrues génitales et périanales. Elle fut ensuite approuvée pour le traitement des kératoses actiniques et du carcinome basocellulaire superficiel. On l’utilise à titre expérimental dans les indications suivantes non autorisées : la maladie de Bowen, le ESC invasif, le lentigo malin, le molluscum contagiosum, les cicatrices chéloïdiennes et autres maladies14. L’imiquimod agit comme un antagoniste du récepteur TLR-7, ce qui entraîne une modification de la réponse immunitaire et de la stimulation de l’apoptose interrompant ainsi la prolifération tumorale15. Stockfleth et collaborateurs16 ont démontré que 84 % des KA traitées présentaient une guérison clinique avec un cycle de thérapie avec l’imiquimod à 5 %.

  • Une irritation localisée courante associée à la longue durée du traitement (deux fois par semaine pendant 16 semaines) peut décourager l’observance du patient.
  • Le traitement devrait être appliqué à la fois sur la lésion et sur les tissus avoisinants pour cibler les kératoses actiniques subcliniques.
  • Parmi les quelques rares effets systémiques, on peut nommer la fatigue, des symptômes pseudo-grippaux, des maux de tête, des myalgies et un oedème angioneurotique.

En décembre 2009, Santé Canada a approuvé l’usage de l’imiquimod à 3,75 % pour le traitement des kératoses actiniques sur le visage ou le cuir chevelu chauve. Deux essais contre placebo identiques ont évalué l’innocuité et l’efficacité de l’imiquimod à 3,75 %17, 18.

  • Dans l’essai de Swanson et collaborateurs17, les crèmes étaient appliquées tous les jours sur le visage en entier ou sur le cuir chevelu chauve pendant deux cycles de traitement de deux semaines, séparés par un intervalle de deux semaines sans traitement.
  • On a jugé que la thérapie était sans danger et n’entraînait aucun événement indésirable sérieux.
  • La plupart des patients ont eu un érythème et environ 25 % d’entre eux ont fait un érythème grave. Cependant, aucun patient ne s’est retiré de l’essai pour cela.
  • On a noté des taux d’observance thérapeutique de plus de 90 %17,18.
  • Globalement, la formulation d’imiquimod à 3,75 % récemment approuvée est une alternative raisonnable à l’imiquimod à 5% car elle a démontré une efficacité comparable mais avec un posologie beaucoup plus simplifiée et plus courte, et apparemment en produisant des effets indésirables moins graves.
  • De plus, l’imiquimod 3,75 % est approuvé pour le traitement d’une plus grande surface allant jusqu’à 200 cm², comparée à 25 cm², et ainsi il peut cibler plus de KA.

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Thérapie champ procédurale

Les thérapies champ procédurales peuvent offrir une option appropriée pour les patients qui ont besoin d’un minimum de temps d’indisponibilité, qui ne se soumettront probablement pas à une approche topique, qui ont des KA résistantes à la thérapie topique ou qui favorisent un résultat cosmétique amélioré.

  • Les options de traitement de la thérapie champ procédurale incluent la thérapie photodynamique, la dermabrasion manuelle, le resurfacing laser, le cryopeeling et les peelings chimiques.
  • Chacune de ces techniques traite les kératoses actiniques par la destruction des couches superficielles de la peau par des moyens physiques ou chimiques.

La thérapie photodynamique

La thérapie photodynamique est une thérapie champ procédurale qui utilise l’acide 5-aminolévulinique ou méthyl-aminolévulinate pour détruire les kératoses actiniques. Ces molécules sont absorbées de préférence par les cellules qui se divisent rapidement, à qui il manque les jonctions d’adhésion normales de cellule à cellule, puis elles sont converties au sein de la cellule en protoporphyrine IX19. Cet agent photosensibilisant est ensuite exposé à la lumière bleue ou rouge qui correspond aux maxima dans le spectre de l’absorption de la protoporphyrine, produisant une réaction phototoxique qui détruit la cellule anormale19.

  • La thérapie photodynamique est efficace pour le traitement des KA multiples et diffuses et ses résultats cosmétiques sont généralement excellents.
  • La thérapie photodynamique ne convient pas au traitement des KA plus épaisses ou plus profondes19 et on la réserve généralement aux patients qui ne répondent pas adéquatement à la thérapie champ topique ou à la cryochirurgie.
  • Au cours de la thérapie, les patients peuvent éprouver un érythème, un oedème et une sensation de brûlure.

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Conclusion

Il n’existe pas un algorithme universellement accepté pour le traitement des kératoses actiniques. Souvent il faut avoir recours à différents régimes de traitement pour une bonne gestion des KA, particulièrement si les cas sont étendus ou résistants. Comme toujours, la meilleure façon de gérer les kératoses actiniques est la prévention : il faut éviter l’exposition aux radiations ultraviolettes fortes ou inutiles. Les pharmaciens peuvent jouer un rôle important en encourageant les patients à porter un écran solaire à spectre large, un chapeau à large bord, des lunettes de protection et à éviter le soleil pendant les heures d’ensoleillement maximal ce qui pourrait prévenir les rechutes ou limiter la progression des KA. De plus, les patients profitent toujours d’une éducation sur les effets indésirables potentiels et sur la rapidité d’action des thérapies champ topiques.

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