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Les cosméceutiques : une approche pratique
J. S. Dover, MD, FRCPC, FRCP
SkinCare Physicians, Chestnut Hill, Massachusetts, États-Unis
Yale University School of Medicine, New Haven, Connecticut, États-Unis
Darmouth Medical School, Hanover, New Hampshire, États-Unis
Introduction
Grâce en grande partie à une population vieillissante qui tient à conserver une apparence jeune, l’industrie des cosméceutiques a connu, au cours de la dernière décennie, une croissance phénoménale. On retrouve maintenant sur les étagères des pharmacies un nouveau groupe d’agents dont le degré d’efficacité, dans de nombreux cas, n’a pas été corroboré par la science et qui pour le moment échappe à la réglementation. Il s’agit d’un groupe de composés biologiquement actifs aux effets à la fois cosmétiques et pharmacologiques. Ainsi, l’acquisition d’une connaissance de base des principales classes d’ingrédients actifs que l’on retrouve dans les cosméceutiques permettra aux professionnels de la santé d’offrir aux consommateurs une information juste et instructive.
Catégorisation et réglementation des agents
Selon le Food, Drug, and Cosmetic Act de 1938 accepté par la FDA américaine :
- Un médicament est « prévu pour servir au diagnostic, la guérison, l’allègement, le traitement ou la prévention des maladies », i.e., il affecte la structure ou le fonctionnement du corps.
- Un cosmétique est prévu pour être « frotté, versé, saupoudré ou vaporisé sur, introduit dans ou appliqué de toute autre manière sur le corps humain ou une de ses parties, pour nettoyer, embellir, rendre attrayante ou modifier l’apparence de la peau », i.e., le produit ne peut pas changer la structure ou le fonctionnement de la peau.
Albert Kligman a inventé le terme « cosméceutique » et l’a défini en 19841 comme une formulation qui est utilisée pour améliorer l’apparence de la peau mais non dans un but thérapeutique.
- De nombreux cosméceutiques contiennent des ingrédients biologiquement actifs.
- Certains changent la structure et / ou le fonctionnement de la peau et ainsi, selon la définition réglementaire, ceux-ci pourraient être catégorisés comme des médicaments.
- La plupart subissent des contrôles de sécurité mais leur efficacité n’est pas souvent évaluée.
- La catégorisation et la réglementation dépendront de la façon dont les déclarations du produit seront présentées au public.
- Le terme « cosméceutique » n’est pas reconnu par les agences de contrôle nord- américaines.
- Les produits considérés comme des cosméceutiques contournent les réglementations. Pour cette catégorie, les conditions de la mise en marché sont moins exigeantes.
Les principales catégories de cosméceutiques
Les écrans solaires
- On les considère comme des médicaments en vente libre; le facteur de protection solaire doit être prouvé par des études in vitro et in vivo.
- Les dermatologues les considèrent comme la plus importante formulation devant être appliquée quotidiennement.
- Les produits qui cherchent à satisfaire les préférences individuelles quant à l’odeur et au toucher peuvent augmenter l’observance.
Les rétinoïdes
- Ce sont des dérivés naturels et synthétiques de la vitamine A.
- Médicaments : acide rétinoïque (trétinoïne), adapalène et tazarotène
- Des données scientifiques importantes confirment leurs caractéristiques anti-âge et antiacnéiques2.
- L’acide rétinoïque est considéré par les dermatologues comme étant l’étalon-or anti-âge.
- Disponibles seulement sur ordonnance du médecin
- Cosméceutiques : rétinol, rétinaldéhyde, propionate de rétinyle, palmitate de rétinyle
- Dans de nombreux cas leur biodisponibilité et leur activité, une fois qu’ils sont formulés, ne sont pas prouvées.
Les hydratants
- Ils comprennent les émollients, les occlusifs, les humectants.
- On considère qu’ils sont les produits les plus utiles pour la gestion de divers problèmes de peau comme la dermatite atopique, le psoriasis, le prurit, le vieillissement cutané.
Autres vitamines et minéraux
Les antioxydants
- Ils comprennent les vitamines A, C et E; l’acide alpha lipoïque; l’ubiquinone (coenzyme Q-10); l’idébénone; les polyphénols (catéchines et flavonoïdes); la kinétine; les agents botaniques (thés, pépins du raisin, peaux et queues du raisin, fruit du caféier).
- Ils peuvent améliorer le système naturel de protection par les antioxydants de la peau en application topique.
- Ils diminuent les dommages par les radicaux libres en enrayant les processus oxydatifs des cellules.
- Ils inhibent l’inflammation qui mène à la détérioration du collagène.
- Ils protègent contre l’agression solaire et le cancer de la peau.
- Les antioxydants ne renversent pas les signes du photovieillissement.
Les hydroxyacides (alpha, bêta, poly)
- Ils comprennent l’acide glycolique, l’acide lactique, l’acide citrique, l’acide tartrique, l’acide pyruvique et l’acide malique.
- Ils peuvent améliorer la texture de la peau et la dyspigmentation.
- Ils peuvent induire de réels changements structurels dans la peau et ils pourraient ainsi faire l’objet d’un examen approfondi réglementaire.
Les agents de dépigmentation
- Dans le meilleur des cas, les agents de dépigmentation peuvent produire de modestes niveaux d’efficacité.
- L’hydroquinone est considérée comme étant le plus efficace.
- Présentement, elle est en réévaluation par la FDA américaine.
- L’usage d’un écran solaire s’impose car elle provoque une photosensibilité médicamenteuse.
- L’acide kojique, la glabridine (extrait de réglisse), l’arbutine, l’acide azélaïque, le N-acéthyl glycosamine et la vitamine C sont aussi des agents de dépigmentation.
Les agents botaniques / extraits de plantes
- Ils ont connu une augmentation rapide due à la popularité des produits « naturels ».
- Ils forment le plus grand groupe d’additifs dans les produits commercialisés.
- Il existe peu de données scientifiques pour soutenir leur efficacité et leur innocuité.
Les facteurs de croissance épidermiques
- Ce sont des substances chimiques qui se trouvent naturellement dans le corps et qui influencent la prolifération et la différentiation cellulaires.
- Parmi leurs applications potentielles, on compte la régénération de la peau endommagée ou vieillie.
Les protéines / peptides
- Elles peuvent déclencher la réparation cutanée au besoin. On possède quelques indications qu’elles peuvent diminuer les signes du vieillissement et accélérer le processus de guérison de la peau3,4.
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Des agents spécifiques d’intérêt récent
Les rétinoïdes en vente libre
Ils réduisent les rides et les lentigines.
- Leurs effets secondaires courants sont la rougeur, l’irritation et une augmentation de la photosensibilité.
- Certains analogues des rétinoïdes, à l’intérieur de la même catégorie de molécules, ont démontré que, tout en maintenant des niveaux comparables d’efficacité, ils provoquent cependant moins d’irritation5.
- Trois catégories de rétinoïdes révélant des propriétés distinctes :
- Les métabolites de la vitamine A – l’acide trans-rétinoïque, le rétinaldéhyde, l’adapalène et le tazarotène.
- La vitamine A – le rétinol
- Les esters de la vitamine A – l’acétate de rétinyle et le palmitate de rétinyle.
- Dans des études humaines randomisées, contrôlées par véhicule, à double insu, avec application sur la moitié du visage comparant le rétinol, l’acétate de rétinyle, le propionate de rétinyle et l’acide trans-rétinoïque5 :
- des résultats statistiquement significatifs ont démontré que le propionate de rétinyle produisait la plus haute appréciation en fait d’efficacité et de non irritation;
- le propionate de rétinyle à 0,30 % a démontré une réduction supérieure des rides, de la rougeur et de l’hyperpigmentation vs le rétinol à 0,15 %.
La niacinamide (vitamine B3)
La niacinamide est un précurseur de la nicotamide adénine dinucléotide hydrogéné (NADH) et de la nicotamide adénine dinucléotide phosphate réduit (NADPH) qui sont des coenzymes essentielles de diverses fonctions métaboliques. Cette vitamine du complexe B peut améliorer la fonction barrière de l’épiderme et agir comme un inhibiteur du transfert du mélanosome ce qui se traduit par une hyperpigmentation réduite.
- Dans une étude en double aveugle, contrôlée par placebo, aléatoirement réparti à droite ou à gauche, chez des femmes âgées entre 25 et 60 ans :
- Les patientes ont appliqué une formulation contenant de la niacinamide deux fois par jour pendant 8 à 12 semaines.
- Les résultats ont démontré une diminution de la perte de l’eau transépidermique par le truchement d’une augmentation de la couche des lipides6 et des protéines7 dans la barrière cutanée.
- Une autre étude en double aveugle, contrôlée par placebo, aléatoirement réparti à droite ou à gauche, s’est penchée sur 60 femmes âgées entre 25 et 60 ans d’origine japonaise.
Un traitement en hémi-visage deux fois par jour pendant 8 semaines a démontré une amélioration considérable des lentigines8.
- Une méta-analyse a démontré une réduction importante des ridules, des rides, des tâches pigmentaires, de la rougeur cutanée, du jaunissement de la peau, de la production sébacée, de l’irritation et une amélioration de la fonction de la barrière cutanée9.
Les peptides topiques (rétinoïdes de rechange)
- On les considère comme des messagers cellulaires élaborés à partir des acides aminés conçus pour simuler des fragments peptidiques ayant une activité biologique endogène; l’un d’eux est un fragment de 5 acides aminés (les pentapeptides lysine-thréonine-thréonine-lysine-sérine [KTTKS]).
- Le KTTKS joue un rôle dans la signalisation aux fibroblastes de produire du collagène dans la peau10, ce qui peut améliorer l’apparence des rides.
- Une variation connue sous le nom de Pal-KTTKS (palmitoyle-lysine-thréonine-thréonine-lysine-sérine) a été testée dans une étude contrôlée, à double insu, aléatoirement répartie à droite ou à gauche, en hémi-visage, sur 92 femmes photovieillies avec des types de peau I-III selon l’échelle de Fitzpatrick, âgées entre 35 et 55 ans.
- La concentration de Pal-KTTKS était de 3 ppm; les deux groupes étaient traités deux fois par jour pendant 12 semaines.
- On a observé des améliorations dans l’apparence et la longueur des rides.
- L’association de 3 ppm de Pal-KTTKS avec 3,5 % de niacinamide vs un placebo, a permis de noter une plus grande réduction encore de la longueur des rides.
Le N-acéthyl glucosamine (NAG)
Le NAG est une forme plus stable de glucosamine et les recherches indiquent qu’il peut prévenir l’apparition de nouveaux signes d’agression solaire et pâlir les imperfections existantes en interrompant les signaux chimiques qui activent la production de mélanine.
- Une étude contrôlée par placebo11 comparant 3,5 % de NAG avec l’association de 3,5 % de NAG + 3,5 % de niacinamide sur des taches hyperpigmentées a démontré une réduction supérieure de la pigmentation dans le groupe recevant l’association vs les groupes tant placebo que NAG seulement.
- L’association a produit des effets synergiques.
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Se servir des expérimentations scientifiques pour prévoir de futures découvertes
- On utilise présentement le criblage à haut débit pour identifier la prochaine génération d’ingrédients actifs pour des applications cosméceutiques. Cette méthode a la capacité de passer au crible des milliers de composés en quelques jours et même en quelques heures.
- Les analyses génomiques peuvent être utilisées pour définir tous les gènes exprimés dans la peau. Une application comprend l’identification des cibles pour la gestion ou la prévention des problèmes de peau ou autres.
- La protéonique est une méthode d’identification des protéines qui sont encodées par un génome. En favorisant la compréhension des mécanismes moléculaires qui causent les maladies humaines, elle nous permet d’entrevoir le développement de nouveaux agents thérapeutiques.
- La métabonomique analyse les altérations des produits finaux métaboliques et les voies actives qui résultent en réponse aux médicaments, aux influences environnementales et aux maladies.
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Conclusion
Il est devenu important de se garder au courant au sujet des dernières découvertes et de l’offre des produits les plus récents afin de donner aux patients un avis éclairé. Les produits soutenus par la recherche scientifique peuvent être efficaces comme compléments à la thérapie ou dans le cadre d’un programme de soins de la peau. Les cliniciens qui évaluent activement les résultats cliniques des produits, qui expérimentent leur innocuité et qui révisent des sources indépendantes seront capables d’aider leurs patients à faire des choix de produits en toute connaissance de cause.
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Références
- 1. J Am Acad Dermatol 15(4 Pt 2) : 836-59 (octobre 1986).
- Sorg O., et al., 2. Dermatol Ther 19(5) : 289-96 (septembre-octobre 2006).
- Gold M.H., et al., 3. J Drugs Dermatol 6(10) : 1018-23 (octobre 2007).
- Lupo M.P., 4. Dermatol Surg 31(7 Pt 2)832-6 (juillet 2005).
- Bissett D.L., Topical retinyl propionate – a clinical comparison: A low 5. irritation retinoid for diminishing wrinkles and hyperpigmentation in photoaged human skin. Présenté à la 60e réunion annuelle de la American Academy of Dermatology, New Orleans, LA, du 22 au 27 février 2002. Affiche #P78.
- Tanno O., et al., 6. Br J Dermatol 143(3)524-31 (septembre 2000).
- Bissett D., 7. Cutis 70(6 Suppl) : 8-12 (décembre 2002).
- Hakozaki T., et al., 8. Br J Dermatol 147(1) : 20-31 (juillet 2002).
- Bissett D.L., et al., 9. Dermatol Surg 31(7 Pt 2) : 860-5 (juillet 2005).
- Katayama K., et al., 10. J Biol Chem 268(14)9941-4 (15 mai 1993).
- Kimball A.B., et al., Topical formulation containing N-acetyl 11. glucosamine and niacinamide reduces the appearance of hyperpigmented spots on human facial skin. Présenté à la 64e réunion annuelle de la American Academy of Dermatology, San Francisco, CA, du 3 au 7 mars 2006. Affiche #P235.
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